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spectacle

間 (MA, AÏDA...)

Camille Boitel, Sève Bernard

Camille Boitel poursuit sa quête d’un théâtre de l’instinct et de l’instant. Cette fois, un homme et une femme tentent de s’aimer alors que leur univers tombe en miettes. Frénétique et étourdissant.

Voici un spectacle formé de 36 courts spectacles. Chaque séquence est une variation sans parole à partir de la même équation: un couple sur un plateau instable de cent mètres carrés, vraie machinerie vivante, tente de se rencontrer. À tout instant, le sol peut s’effondrer sous leurs pieds. Accompagnés par le son continu et ensorcelant de l’orgue à bouche japonais de Tokiko Ihara, ces deux risque-tout lunaires persévèrent sur un plancher qui se délite. Vont-ils parvenir à se retrouver ? Surtout, jusqu’où sont-ils capables d’aller ? Camille Boitel, ici allié à la danseuse Sève Bernard, est un as de la chute et du ratage en chaîne, à la lisière du cirque et du théâtre physique. Le public du Nouveau théâtre de Montreuil se souvient de l’incroyable capharnaüm en déséquilibre de L’Immédiat. 間(Ma, Aïda…) tient du comique burlesque façon Buster Keaton mais aussi du geste absurde teinté de mélancolie. De quoi réveiller notre empathie et notre appétit pour la frétillante incertitude du direct. C’est aussi la déclaration d’amour à la scène et aux mécanismes du théâtre des deux auteurs-interprètes. Le plateau devient un personnage à part entière, source de surprises qui ouvrent sans répit des brèches dans le réel


 

Aller à l'essentiel avant votre venue au spectacle

間 (Ma, Aïda,…) c’est quoi ce drôle de titre ?


Avez-vous remarqué le dessin géométrique qui précède les mots du titre ? il s’agit d’un kanji, un idéogramme issu des caractères chinois utilisé dans l’écriture japonaise. C’est le titre du spectacle. Les mots Ma, Aïda, en sont la traduction phonétique, c’est pourquoi ils sont placés entre parenthèse. C’est un titre qui fait sens en japonais et qu’on peut traduire en français par : entre, intervalle, interstice ou pendant. Ce kanji permet d’exprimer les notions d’espace et le temps, deux notions fondamentales au théâtre, en un seul signe. 

Voilà qui convient très bien à Camille Boitel et à Sève Bernard qui au départ auraient voulu ne pas mettre de titre du tout pour ne rien annoncer et conserver intacte la surprise du spectateur. Pour eux, en effet, « le meilleur spectateur est celui qui ne sait rien du tout ». Enigmatique en français, ce titre fait sens au Japon où les deux artistes ont écrit le spectacle lors d’une résidence de création. Camille Boitel qui s’est produit plusieurs fois au Japon parle japonais. Ce titre est comme une trace de l’identité japonaise du spectacle finalement créé à Montpellier danse en 2019.

 

 

De quoi ça parle ?


Au départ, Camille Boitel et Sève Bernard répondaient à une commande d’un festival à Kyoto dont la thématique portait sur les dérèglements climatiques et la catastrophe écologique, mais les sponsors ont lâché le festival et la thématique a changé pour celle de l’amour. Une thématique universelle, mais déjà largement rebattue au théâtre, et pas seulement dans Roméo et Juliette, dont Camille Boitel et Sève Bernard, qui forment un couple dans la vie, n’avaient pas forcément envie de s’emparer. Ou alors sous l’angle de la catastrophe : « on a tellement entendu ce qu’il voulait dire que tout ce qu’il dira sonnera creux. Comme si l’amour était devenu creux lui-même à force d’être représenté en surface, d’être montré. Il est sentimental, sans sentiment, il est tragique sans gravité, il est beau sans larme. Ici, aucun amour n’a lieu, il n’y a que son élan, sa tentative, et son terrible échec », écrivent les deux créateurs dans la note d’intention du spectacle. 

Inclassable, le spectacle Ma, Aïda chemine entre cirque, théâtre du geste, théâtre d’objet, danse et poésie, sans qu’il soit possible de le circonscrire à un seul de ces champs comme tous les spectacles créés par Camille Boitel, auxquels on pourra néanmoins trouver de nombreux traits communs. Ainsi des motifs obsessionnels de la chute et du déséquilibre, présents dans pratiquement tous ses spectacles, tout comme l’écriture dramatique sous forme de fragments : Ma, Aïda est une succession de 36 séquences, comme autant de variations, qui mises bout à bout constituent le spectacle.

 

 

Un théâtre du geste

 

On peut souligner également qu’ici le pur présent du geste prime sur l’intention. Peut-être que Ma, Aïda ne parle pas d’autre chose que de cela : le geste, l’événement du geste qui survient, et qui constitue à la fois le propos et la forme de ses spectacles depuis au moins L’Immédiat (2009), si ce n’est depuis L’Homme de Hus (2002), le tout premier spectacle qui l’a fait connaître, il y a près de 20 ans. Déjà, à propos de L’Homme de Hus, Camille Boitel disait : « je voudrais me taire ». L’Immédiat, encore un de ces titres choisis faute d’avoir pu se passer de titre, dit bien ce rapport au présent de la scène. Dimension essentielle au théâtre, le présent de la scène surgit encore plus fortement au cirque où elle est presque toujours associée à celle de risque. Et même si le spectacle (comme les précédents) ne joue pas sur la prise de risque — il n’y a pas d’effet de prouesse, pas d’épate — le risque est pourtant là. L’Immédiat, c’est aussi le nom de la compagnie de Camille Boitel au sein de laquelle œuvre toute une communauté d’artistes, dont la danseuse Sève Bernard depuis quelques années.


Homme « couteau suisse » comme il se définit lui-même, Camille Boitel est, en véritable artiste de cirque, à la fois acrobate, équilibriste, comédien, danseur, musicien mais aussi bricoleur (sans parler d’auteur et metteur en scène). Issu d’une fratrie d’artistes — la contorsionniste Raphaëlle Boitel est sa sœur — il crée depuis l’enfance des spectacles de rue avant d’intégrer très jeune la formation de l’Académie Fratellini. Il y a notamment rencontré l’artiste James Thierrée, le petit fils de Charlie Chaplin, avec lequel il partage un attachement à la scène dans sa dimension artisanale, voire traditionnelle, au sens presque forain du terme.
Emblématique de cette culture originelle, l’objet tréteau qui est le dénominateur commun de nombre de ses spectacles, est l’objet phare de Ma, Aïda. Planche de scène, le tréteau est autant l’attribut des saltimbanques que le symbole très concret du théâtre depuis, au moins, la commedia dell’arte.


Sève Bernard, elle, évolue à la frontière de la danse et du cirque. Formée au CNDC d’Angers, le centre national de formation en danse contemporaine, elle a rejoint Camille Boitel comme regard extérieur sur les spectacles Lancés de chutes et Calamity Cabaret, en 2018, avant de cosigner avec lui Ma, Aïda.


La musicienne japonaise Tokiko Ihara a suivi son parcours d’apprentissage au Japon. Ayant apprit la danse cérémoniale, elle explore les traditions japonaises et la spiritualité à travers le son et la lumière. Elle consacre ses performances aux temples et sanctuaires, au japon et à travers le monde et souvent en collaboration avec d’autres artistes, comme ici avec Camille Boitel et Sève Bernard.


Tokiko Ihara est accompagnée de son mari Jun Aoki, homme discret, simple et précis incarnant à lui seul la profondeur du japon. Il insuffle au spectacle une délicatesse toute japonaise qui associée à la profusion occidentale rend ce spectacle contrasté et particulièrement original.


Ecrit en préambule au spectacle L’Immédiat, il y a plus de dix ans, ce texte constitue également une parfaite introduction à Ma, Aïda. On peut y lire une belle synthèse du geste remarquablement constant de Camille Boitel :
« Il semblerait, qu’au fond, malgré tout ça, malgré nous, la stabilité n’aille pas tellement non plus, et à personne.
On pourrait penser que pour éviter les désastres en tout genre nous nous habituerions à un ordre des choses, à une suite raisonnable d’événements se suivant les uns les autres en toute logique et avec une impeccable régularité.
Mais non, voyez-vous, il semble que l’homme est un tissage de défaillances, d’accidents et de déséquilibres.
Et l’habitude le tue.
En fait nous nous levons, et à partir de là, l’aventure du déséquilibre nous pend au nez, la chute nous guette, partout l’immense croche patte du monde se dresse, et nous nous effondrons toujours, finalement, peu à peu ou brusquement.
Et nous voilà maintenant dans cette salle, ensembles, à nous plonger dans le noir pour entendre nos poumons respirer, nos sursauts et nos rires ; nous voilà assis les uns à côté des autres dans un grand brouhaha, à attendre le silence qui devrait bientôt venir, à attendre l’inconnu, l’immédiat.
Nous attendons maintenant, que cette vie confuse de la scène, cette vie rythmée et ample commence.
Et nous de l’autre côté, planqués et retenant nos souffles, attendant que vous soyez enfin prêts, ne sommes-nous pas spectateurs également ?
Notre œuvre est là, dans le fond de notre mémoire, dans nos mains et nos membres, prête à jaillir… elle nous dépasse, elle sort de nous par fuite, ce qui est écrit là, ça n’est pas quelque chose que l’on peut faire.
Elle s’échappe de nous jusqu’à vous appartenir. Elle va venir se mettre dans vos corps, se glisser dans vos sensations, se construire ou s’effondrer dans vos pensées.
Nous attendons nous aussi, que quelque chose arrive, à travers nous et à travers vous, nous attendons ce quelque chose qui ne cesse de nous échapper, ce moment imprenable et incontrôlable de ce qu’il y aura ou n’y aura pas, quelque chose qui ne peut pas juste être dit, mais qui peut venir ou moins venir malgré nous, cette précieuse première fois, cette étrange première fois qui n’a cessé de se répéter, et qui peut être est la dernière fois, cette importance immense de votre présence, de notre présence, du présent.
»
Camille Boitel y exprime sa relation au spectateur qui se confirmera dans la salle de Ma, Aïda.

Durant la représentation, portez une attention particulière à la lumière. Que nous raconte-elle ici ? Est-elle pleins feux ou au contraire crépusculaire ? pouvez-vous la décrire et dire ce qu’elle instaure comme climat ? Que nous disent le son, la musique ?

 

 

 

 

Après le spectacle : échanger et analyser ce que l'on a vu

Avant même que le spectacle ne commence


Camille Boitel et Sève Bernard nous mettent en condition et se soucient du moindre détail qui concerne le spectateur. Avez-vous remarqué les cartels sur les fauteuils dans la salle ? il y en a partout. D’habitude, quand ces cartels sont apposés, c’est pour réserver des sièges à certains et ainsi les distinguer des autres spectateurs. Là, ils proclament que c’est « libre » pour tous et partout.
Leur souci de celui qui regarde vient s’immiscer jusque dans la feuille de salle dont il existe deux versions qu’il faut rapprocher pour avoir accès au texte en entier : chacun doit donc lire avec son voisin et ainsi communiquer. Une communauté d’artiste qui rêve d’une communauté de spectateurs ?


Avez-vous vu La « machine à titres » ? le dispositif placé à jardin, qui mentionne « entrée du public » puis « fin entrée du public », nous annonce là encore que nous sommes inclus. Même si, vues les dimensions du plateau, on ne peut pas dire que le spectacle se joue dans une proximité avec les spectateurs, il est clair que pour Camille Boitel et Sève Bernard il n’y a pas de 4e mur, ce mur imaginaire qui sépare la scène de la salle. Faire chuter ce 4ème mur permet au spectateur de se sentir plus impliqué. Pensez au film Deadpool, ou le héros s’adresse directement au spectateur face camera, donnant un sentiment de proximité.
Ici, on est au spectacle, tout est dit dès le départ, les titres hissés à la main sont sans équivoque : « entrée du public », « entracte », « début de la dernière partie », « deuxième première partie »… Et pour nous le rappeler, ils s’amusent à mélanger les parties, il y a ainsi 4 « fin », une « première partie » et une « dernière partie » mais pas de milieu…
Le spectacle est sans parole mais il n’est pas sans mot. La dimension comique de cette machine à titres, qui rappelle le procédé narratif du cinéma muet, vient contrebalancer, alléger, la dimension tragique, ou nostalgique, de ce qui se joue au plateau. A propos de Fissure, une figure de clown inventé par Camille Boitel, l’artiste écrit non sans malice « depuis plus de 27 ans, j’écris et je joue des tragédies mais tout le monde en rit ».


Un autre « élément » fait le lien de la scène à la salle, il s’agit de la musicienne japonaise Tokiko Ihara qui circule d’un espace à l’autre avec son orgue à bouche, instrument à vent en bambou qui produit un son continu, très étiré. Présence sentinelle discrète, elle assure une sorte de continuité par-delà la structure fragmentaire du spectacle. Le son aigu de son instrument tranche avec le fracas que provoque l’écroulement successif du plateau. Tokiko Ihara est aussi la personne qui au départ avait passé commande du spectacle à Camille Boitel et Sève Bernard ; elle a noué une vraie complicité avec les deux artistes français qui aiment à travailler avec des gens dont ils sont proches. Comme dans le cirque traditionnel, l’Immédiat fonctionne presque comme une famille.
Avez-vous remarqué qu’un autre musicien fait son apparition dans le spectacle ? A quel moment ? quel est son instrument ?


Peut-être avez-vous remarqué qu’un quatrième interprète figure au générique ? Discret mais essentiel, Jun Aoki est l’« autre » Japonais de cette création franco-japonaise. Homme de l’ombre, il incarne un peu la figure du metteur en scène. Il est aussi comme un marionnettiste : c’est lui qui tire les fils de l’histoire, qui active à la main la « machine à titres ». Chacune de ses actions a une répercussion sur le jeu et sur l’espace.

 

Éloge de la tentative/de la répétition

 

Ce spectacle est constitué d’une suite de petites séquences qui explorent la même thématique à travers différentes formes de théâtralité. Chaque scène est une miniature avec sa propre cohérence ; les séquences sont plus ou moins longues ou très brèves, plus ou moins ressemblantes, elles se suivent sans hiérarchie. Les scènes du bouquet ; les scènes à la table ; le poids des sentiments, la scène qui n’a pas lieu, les témoignages de personnes âgées… entre burlesque, théâtre d’ombre, théâtre physique… Le côté fragmentaire, la répétition, peut donner l’impression que le spectacle ne démarre jamais vraiment, qu’il reste au bord de la narration, mais s’agit-il vraiment de répétition ? Observez ce qui change de l’une à l’autre ? Quelles sont les scènes qui vous ont le plus marqué ? Quel est le sujet ?


Une femme et un homme dans un espace et un temps donné, tel est le motif initial qu’explore chaque scène comme plusieurs tentatives pour épuiser un même sujet en le considérant sous un angle à chaque fois différent. Ça dit toujours la même chose mais jamais de la même façon. Et quand il s’agit d’épuiser la thématique de l’amour au théâtre, voici ce qu’ils en disent : “fragments de vie, les restes d’une pièce monotone, qui n’a pas pu avoir lieu, pour cause d’ennui, durée : plus courte que son générique”.


C’est l’amour impossible : une femme et un homme tentent de se rejoindre tandis qu’autour d’eux tout s’effondre. Le sol se dérobe sous leurs pieds et ils tentent encore et s’acharnent à y aller. C’est l’amour au temps de la catastrophe, les scènes d’effondrement se suivent à répétition. Vous connaissez peut-être le film Titanic, souvenez-vous lorsque le bateau heurte l’iceberg, commence à sombrer, à se tordre, se déchirer en deux puis coule et sépare inexorablement les deux amoureux par la catastrophe.  Il n’y a aucune psychologie, aucune narration. Tout est concret, mécanique. La matière est première. A mesure qu’avance le spectacle, la machinerie prend de plus en plus de place. Ce que l’on voit c’est la dégradation de l’objet scénique en temps réel, une tentative répétée d’user le théâtre jusqu’ à la moelle.

 

 

Éloge de la chute.

 

L’être qui chute est la figure principale de ce spectacle comme de tous les spectacles de Camille Boitel. La chute dans sa réalité physique est une dimension élémentaire du cirque, le geste premier qu’apprend tout apprenti acrobate à l’école de cirque avant de savoir maîtriser des numéros.
Portée à la scène, la chute offre évidemment une métaphore de la condition humaine, un écho à la chute d’Icare qui, pour s’enfuir d’une île où il est fait prisonnier par Minos, fabrique des ailes de cire et de plume. Grisé par cet envole, il s’aventure trop près du soleil, faisant fondre la cire de ses ailes, ce qui le fait chuter dans l’eau et mourir par noyade.


Mais on peut aussi y voir un hommage à cette figure burlesque par excellence qu’est l’homme qui tombe, qui trébuche et se cogne, à Chaplin et à Buster Keaton en particulier, qui d’ailleurs venait du cirque, acrobate et acteur hors pair, véritable roi de la chute qui a lui aussi largement abordé les questions du couple et de l’amour en même temps que celle de la catastrophe, que ce soit dans Fiancées en folie (Seven chances) ou dans La Croisière du navigator. Peut-être avez-vous vu le spectacle Buster au Nouveau théâtre de Montreuil ?


Ici, l’effondrement des personnages, la façon dont ils ne parviennent pas à tenir droit et à avancer, va de pair avec l’effondrement du plateau. Souvenez-vous de ce très beau moment où, tandis qu’on entend une voix âgée parler de l’amour et du couple, un être avance de dos vers le fond du plateau comme sur le chemin de la vie avec, à ses côtés, un autre qui tente vainement de marcher mais se tord les pieds et s’effondre, se raccroche se remet debout pour tomber une nouvelle fois.


Ici, où il est question de couple, ils sont deux à chuter, alternativement. On peut d’ailleurs souligner une certaine gémellité des deux interprètes : dans certaines scènes l’homme et la femme, qui portent les cheveux longs l’un et l’autre, peuvent se confondre quand ils sont habillés de noir tous les deux. Qu’est-ce que cela produit comme effet ?

 

Éloge du tréteau.



Et si le vrai sujet du spectacle c’était l’espace scénique lui-même ? Ma, Aïda peut se regarder comme un hommage à la grande machinerie du théâtre, à la matière brute du plateau, à cet objet fétiche qu’est le tréteau des saltimbanques et comme une déclaration d’amour au rituel de la scène. Cette machinerie qui est le cœur battant du théâtre, sa métaphore autant que sa dimension la plus concrète, et qui, à mesure que tout s’effondre, se révèle de plus en plus dans toutes ses dimensions.


C’est l’objet scène qui tangue avec ses poulies, ses voiles, ses drisses : savez-vous que traditionnellement le champ lexical de l’espace scénique est issu de celui de la navigation ? Les premiers machinistes et monteurs de décors étant souvent d’anciens marins...


Le plateau s’impose ici comme un objet vivant, une gigantesque marionnette qu’activent les interprètes et les techniciens présents en coulisse et de plus en plus apparents — au seuil de devenir eux-mêmes personnages, puisque rien n’est caché. June Aoki, lui, se situe entre les deux mondes, à la fois interprète et technicien, marionnettiste comme on l’a dit.


Ce qui se passe en dessous a autant d’importance que ce qui se passe au-dessus.
Camille Boitel et Sève Bernard jouent autant, si ce n’est plus, avec les techniciens qui sont en dessous et en coulisse qu’avec leur partenaire en scène. Il y a une double partition, mais la première des partitions écrites pour ce spectacle c’est celle des techniciens. L’une comme l’autre, elles sont très précises : c’est comme sur un chantier plein de dangers, tous connaissent le plateau au millimètre, ils savent où les tréteaux peuvent s’effondrer, ils n’ont pas droit à l’erreur dans leur circulation.


La dimension de risque n’est pas mise en avant mais celle-ci est bien réelle. Et derrière l’idée d’amour impossible, le duo d’artistes flirte aussi avec une dimension de spectacle impossible. Pas forcément évident, à une époque où tout est de plus en plus sécurisé, d’embarquer salles et festivals dans un projet aussi risqué pour les interprètes…


Et si Camille Boitel et Sève Bernard maîtrisent le plateau comme leur poche, c’est aussi qu’ils ont contribué à le construire. C’est d’ailleurs d’avoir vu faire un maître charpentier japonais qui a lointainement inspiré les prémices du spectacle, il y a quelques années. Cet amour de la matière et de la dimension artisanale du cirque est partagé par d’autres artistes en particulier Johann Le Guillerm, circassien, poète et constructeur qui lui aussi a fait du tréteau sa matière poétique de prédilection.


Peut-on parler de décor ici ? S’il y a bien une table et deux chaises qui ressurgissent au détour de plusieurs scènes, tels des objets escamotables, comme des symboles de l’espace domestique, l’espace scénique apparaît la plupart du temps comme d’un seul tenant, un objet scène avec son plateau, des rideaux, des poulies… Où ce qui constitue la scénographie n’est pas séparé de la machinerie du plateau.
Quant à la toute fin, où le plateau est si encombré de mobilier en tout genre qu’il est à peine possible de s’y mouvoir, mais où notre duo de personnages persévère à danser de la manière la plus improbable, qu’est-ce que cela vous raconte  ?

Avant le spectacle

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Après le spectacle

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