Le titre du spectacle nous renseigne en partie sur le sujet : la passion qu’éprouve le narrateur pour Bob, c’est-à-dire Bob Marley. Jouée par un seul acteur, Alexandre Virapin (épaulé au plateau par Jules Meary, le cometteur en scène qui assure la technique), la pièce présente alternativement deux personnages principaux, « Bob » et « Moi », pris à des âges différents, — à la fois le jeune garçon de 10 ans, au début de la pièce, celui de 17 ans un peu plus tard et celui qui vient de fêter ses 30 ans qui se tient devant nous et qui assume la narration de l’histoire. Il y a un effet miroir, un jeu d’équivalence porté par la conjonction de coordination ET : Bob et « moi » sont mis sur le même plan : le jeune garçon se projette dans Bob Marley, c’est une icône, un modèle à suivre.

Né en 1991 à Clamart, Alexandre Virapin a découvert le théâtre très jeune, en intégrant les ateliers des Enfants de la comédie, à Sèvres, en 2004, une école qui défend le principe qu’un enfant est un artiste comme les autres et qui développe des spectacles pour enfants avec des enfants. A 12 ans, il rencontre Jules Meary avec qui il co-signe le spectacle. Ils ont fait leurs premières expériences de théâtre ensemble, précisément à l’adolescence, à l’époque où Alexandre Virapin « vivait » avec Bob Marley, dans le sens où il l’écoutait en permanence. A la fin de sa scolarité, Alexandre Virapin a tenté les concours des différentes écoles de théâtre et a intégré celle du Théâtre national de Bretagne en 2012, où il a rencontré les camarades avec lesquels il a fondé le collectif BAJOUR. Le jeune artiste partage désormais son temps entre deux compagnies.

Lorsque l’école Les Enfants de la comédie a pris de l’ampleur, avec une classe pour préparer aux concours, une compagnie s’est créée dans le giron de l’école : Les Echappés de la coulisse, un nom qui reprend l’acronyme de l’école, animée par Virapin et Meary.  Cette compagnie est en résidence dans un théâtre à Sèvres et mène des actions locales, auprès des enfants et des jeunes dans les établissements scolaires. Le spectacle Bob et moi a été créé en 2017, dans ce cadre-là. Les échappés de la coulisse n’ayant pas pour but de diffuser des spectacles en dehors de ce contexte local, le spectacle tourne sous l’égide de Bajour.

« Si je vous dis Bob Marley quel est le premier mot qui vous vient à l’esprit ?»

Si vous avez vu A l’Ouest, vous vous en souvenez sûrement : les acteurs de Bajour aiment bien commencer leurs spectacles par des questions qui engagent le spectateur à s’impliquer. Ce n’est pas un principe plutôt une invitation. En retour, le jeune homme qui se tient devant nous entreprend de nous raconter son Bob Marley, avec qui il s’avère avoir plus de points communs qu’on ne pourrait le penser de prime abord. Alors Bob Marley, pour vous c’est qui ? Une star, comme le dit la chanson de Dadju ? C’est peut-être même la première star planétaire issue d’un pays pauvre. Le roi du reggae ? Un gosse issu du ghetto ? Un petit paysan né à Nine Miles, en rase campagne, en 1945 ? Un descendant d’esclave né en Jamaïque ? Une figure christique dont le visage paré de dreadlocks s’affiche sur les T-shirt et les posters de gamins du monde entier ? Une icône à l’instar de Che Guevara/ Gandhi / Mandela ? Un homme d’affaire ? Une marque de produits dérivés ? 

Comme toutes les légendes, Bob Marley a suscité de très nombreuses histoires, colportées par ses fans dans le monde entier… Bob Marley, ou plutôt Robert Nesta Marley, dont Alexandre Virapin va nous raconter le parcours à sa façon, près d’une heure durant, était avant tout un musicien, un chanteur, guitariste et compositeur jamaïcain, dont la popularité va contribuer à répandre le reggae bien au-delà de la Jamaïque. Fils d’une toute jeune femme noire et d’un homme blanc âgé, le petit Nesta est principalement élevé par son grand-père Omeriah qui jouait du violon et de l’accordéon. Un de ses oncles est également musicien, il joue de la guitare et du banjo. A l’église, où il accompagne sa mère, il chante des cantiques. La musique est présente très tôt dans sa vie, tout petit il décide de devenir chanteur. C’est plus tard, au début des années 1960, alors qu’il a déménagé à Kingston, la capitale de la Jamaïque, qu’il se met véritablement à la musique. Bob Marley n’est pas l’inventeur du reggae, même s’il a grandement contribué à populariser ce style. D’ailleurs, au départ, avec son copain Bunny, il ne joue pas du reggae mais un dérivé du mento la musique traditionnelle locale. Kingston abrite aujourd’hui le musée Bob Marley.


 

C'est un style musical métisse, né en Jamaïque dans les années 1960, issu du brassage de différents genres : du mento, du ska, du rocksteady et de nombreuses autres influences, comme les musiques des colons blancs (polka, mazurka…). Les historiens datent son apparition d’une chanson du groupe Toots and the Maytals, en 1967. En réalité, le reggae (dont l’origine du nom fait aussi l’objet d’analyses diverses) est issu d’un processus qui a pris plusieurs années avant qu’on ne lui colle le nom de reggae. Ce qui est sûr, c’est que la Jamaïque — petite île des Caraïbes, grande comme la Corse, située entre Cuba et Haïti et où l’on parle anglais —, dans les années 60, est une terre incroyablement fertile pour la musique. Ainsi qu’on a pu le découvrir dans la très riche exposition Jamaïca Jamaïca, présentée à la philharmonie il y a quelques années et dont on peut encore consulter la documentation

 

Il entremêle deux récits de vie. Par la voix du narrateur, nous faisons des sauts dans l’espace et dans le temps. Nous sommes dans la chambre d’un enfant et, à travers l’image d’un poster accroché au mur, nous partons en Jamaïque, à Kingston, dans les années 1960, à la découverte du roi du reggae, puis nous revenons dans les années 2000, en banlieue parisienne où le narrateur a grandi. C’est l’histoire d’un gamin de 10 ans, mal dans ses baskets, et c’est l’histoire d’un gamin du ghetto devenu star, dont la force charismatique va fortement inspirer l’adolescence du premier. 50 ans séparent la naissance du Jamaïcain du jour où il a acquis une telle importance aux yeux du petit Français et pourtant le message de Bob Marley résonne fortement pour le jeune homme. C’est même grâce à Bob Marley qu’il se tient devant nous, ce qui ne l’empêche pas de prendre ses distances aujourd’hui avec certains aspects de sa personnalité, notamment pour ce qui concerne son rapport avec les femmes.

Au fil de ce récit, à forte dimension autobiographique, les deux histoires s’entremêlent et on ne sait pas toujours qui parle par la bouche du narrateur. La chronologie n’est pas linéaire. Quand il dit Je, il peut s’agir de l’un ou de l’autre.

On suit toutes les grandes étapes de la vie de Bob Marley et la façon dont chacune fait écho à la vie de celui qui nous parle. L’enfance, la situation des noirs, le racisme, la découverte de la musique, la rencontre avec son producteur, la célébrité, le mouvement rastafari, le contexte politique, l’indépendance de la Jamaïque, l’exil à Londres, le message… Un message porteur d’amour et d’espoir qui a accompagné l’auteur du texte dans ses heures les plus sombres. Toute la pièce est construite d’allers-retours entre la vie de Bob Marley et celle de l’auteur. Elle part du gamin seul dans sa chambre avec ses idées noires, face à l’affiche de Bob Marley, fait une grande boucle dans l’espace et dans le temps, jusqu’en Jamaïque pour revenir à la fin, dans la chambre, auprès de notre petit héros transformé par le message de son idole. Le théâtre devient l’espace de rencontre de ces deux êtres, avec pour point culminant de cette fusion, le moment de playback.

Mais le théâtre permet aussi la rencontre de cette histoire avec notre histoire : chez Bajour, il n’y a pas de 4e mur, nous sommes impliqués dès le départ dans ce qui se dit et qui devient aussi notre histoire. La pièce prend aussi par moment l’allure d’une conférence très documentée d’histoire politique de la musique. L’histoire de Bob Marley ne va pas sans soulever un certain paradoxe : alors que de son vivant, Bob Marley prêchait le soutien aux pauvres, la vie frugale et l’anti-capitalisme, il est devenu à sa mort une des marques qui fait vendre le plus, ses héritiers ont imaginé toute sorte de produits dérivés notamment de la bière et du café.

Un enfant, à sa fenêtre, a envie de se jeter dans le vide. Face à lui, un poster de Bob Marley, figure inspirante qui lui redonne espoir, l’aide à tenir. Alexandre Virapin, a écrit ce texte à partir d’un épisode très douloureux de son enfance, ses pensées suicidaires, à l’âge de 10 ans. Une période qu’il a pu surmonter lorsqu’il a compris d’une part que, pouvant y mettre fin, c’est lui qui avait le contrôle sur sa vie, et, d’autre part, que la vie n’a de sens que tournée vers les autres. C’est un texte personnel, important, qu’il a mûri plusieurs années et qu’il retouche encore ; plusieurs passages laissent des ouvertures à l’improvisation, selon l’inspiration du moment et le lieu où il le joue. Il a mis dans cette pièce des choses qu’il aurait bien aimé entendre à l’époque où il ne trouvait plus de sens à sa vie. C’est pourquoi l’auteur tient à le jouer partout, dans les établissements scolaires, à la rencontre de ceux qui ne vont pas au théâtre et à développer une adresse aux jeunes la plus directe possible

Impossible de parler de Bob Marley sans faire entendre sa musique. Ses messages, il les fait passer dans ses textes. Le morceau Exodus que l’on entend au début traite à la fois de son exil forcé à Londres, après la tentative d’assassinat dont il a fait l’objet, et du retour aux racines originelles du « Jah people », le peuple rasta qui se libère de l’oppression. « Ouvre les yeux et regarde en toi, es-tu satisfait de la vie que tu mènes ? » chante Bob Marley. Le playback Jammin’ met l’accent sur l’événement que fut le concert de 1978, où Bob Marley a appelé à la réconciliation entre les différentes factions politiques et à l’unité en Jamaïque. Presque tous les morceaux de Bob Marley sont des tubes, quels sont ceux que vous préférez ? No woman no cry ? Could you be loved ?

 

C'est un style musical métisse, né en Jamaïque dans les années 1960, issu du brassage de différents genres : du mento, du ska, du rocksteady et de nombreuses autres influences, comme les musiques des colons blancs (polka, mazurka…). Les historiens datent son apparition d’une chanson du groupe Toots and the Maytals, en 1967. En réalité, le reggae (dont l’origine du nom fait aussi l’objet d’analyses diverses) est issu d’un processus qui a pris plusieurs années avant qu’on ne lui colle le nom de reggae. Ce qui est sûr, c’est que la Jamaïque — petite île des Caraïbes, grande comme la Corse, située entre Cuba et Haïti et où l’on parle anglais —, dans les années 60, est une terre incroyablement fertile pour la musique. Ainsi qu’on a pu le découvrir dans la très riche exposition Jamaïca Jamaïca, présentée à la philharmonie il y a quelques années et dont on peut encore consulter la documentation