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SALLE DES FETES

Baptiste Amann

Baptiste Amann, qui a l’art de tisser des fresques à la fois intimes et politiques, signe avec Salle des fêtes une création aux couleurs vives de notre époque. Dans un puissant geste théâtral, il nous parle de bien commun, de précarité, d’écologie et plus que tout d’utopie.

 

 

Après sa trilogie Des territoires, voilà qu’avec Salle des fêtes, Baptiste Amann porte une nouvelle fois à la scène la question du lieu, de l’espace et de sa métaphore. Là où Des Territoires explorait, à travers trois volets distincts, le rapport à l’espace urbain, en particulier à la banlieue, Salles des fêtes regarde plutôt du côté de la ruralité. Théâtre sociologique, politique mais également théâtre du récit, Salles des fêtes est une pièce dense, intense, traversée par de nombreuses thématiques contemporaines, incarnées par dix personnages poussés par une urgence à dire. De quoi parle la pièce : du nouvel exode rural ? d’écologie ? d’écriture ? D’utopie communautaire ? De tout cela et de bien d’autres choses encore. Cela raconte un trio d’urbains qui s’installent à la campagne, dans un village, où ils rencontrent autant de réalités que de personnes. De la question du lieu à la question de l’utopie, il n’y a qu’un pas. Les problématiques de l’intime se mêlent aux questionnements d’ordre politique. Salle des fêtes, présenté dans un impressionnant décor, est un texte qui s’attrape par plusieurs bouts, qu’il n’est pas facile de résumer. Associé au Théâtre public Montreuil, Baptiste Amann fait partie de ces artistes, comme Pauline Bayle, comme ceux du collectif Bajour, attachés à la narration et qui, pour raconter des histoires, composent des fresques de grande ampleur nécessitant un grand nombre d’interprètes au plateau. En parallèle de Salle des fêtes, Baptiste Amann présente dans les écoles montreuilloises son premier spectacle jeune public, un solo intitulé Jamais dormir, l’histoire d’une gamine qui, la nuit, s’invente des mondes, traversée elle aussi par un trop-plein de parole !des, traversé elle aussi par un trop-plein de parole !


 

Aller à l'essentiel avant votre venue au spectacle

Salle des fêtes, un projet 


Le titre, Salle des fêtes, évoque à la fois un lieu, ce lieu du commun où la vie collective s’exprime de manière très diverse, un espace, plutôt celui des communes rurales, de la campagne, et même une époque, avant les années 1980, avant que ces salles communales ne deviennent des salles polyvalentes. Il renvoie au décor de la pièce qui évoque une salle des fêtes et exprime le projet initial du metteur en scène de créer un spectacle à tourner partout, à la fois sur les grands plateaux dans les théâtres, mais aussi dans des localités dépourvues de structures équipées, donc dans des salles des fêtes, pour qu’il soit le plus accessible possible, dans la grande tradition de la décentralisation.

« Avant d’avoir l’histoire, il y avait le désir de relever ce défi», explique Baptiste Amann qui est soutenu dans ce projet d’itinérance par la Comédie de Saint-Etienne, qui est l’un des premiers CDN en France, donc un lieu historiquement important de la décentralisation, et qui n’a jamais lâché cette idée de rendre le théâtre accessible à tous-te-s. Ainsi dans les territoires ruraux où il sera présenté, le spectacle s’adaptera aux différents lieux et sera donné de manière immersive, joué au milieu des gens, dans un décor allégé. Il prendra donc une forme différente selon où il sera joué.

 

 

La salle des fêtes : un lieu, une métaphore


La question du lieu est centrale depuis toujours dans les pièces de Baptiste Amann qui s’est fait connaître en 2017, lors de la création du premier volet de sa trilogie, Des territoires, centrée sur la banlieue, en particulier sur le pavillon de banlieue, habitat sans prestige apparent mais chargé sur le plan métaphorique de toute une dimension sociale.

Salles des fêtes pourrait être le pendant rural de cette trilogie, un peu comme si les citadins des précédentes pièces déménageaient à la campagne. Là encore, l’auteur se concentre sur un lieu qui n’a souvent rien de remarquable sur le plan architectural ou honorifique, — même si certaines salles des fêtes pouvaient présenter un décor en stuc assez travaillé autour de la scène, parfois même des peintures murales, là où, plus tard, les salles polyvalentes sont simplement des cubes noirs modulables et techniquement équipés. Une salle des fêtes est un espace multifonction, c’est, avec la mairie, la maison commune, l’endroit où l’on installe les isoloirs les jours d’élection, la salle de bal ou de banquet des aînés ; la scène pour les spectacles scolaires de fin d’année ; l’espace pour les vœux du maire… parfois la salle des fêtes est située à l’intérieur de la mairie. 

La salle des fêtes est une sorte de boîte de Pandore. Un espace de partage donc qui, au contraire de l’école ou de l’église, ne se définit pas par une fonction mais évolue au fil de ses usages multiples. Un espace qui porte en soi néanmoins une dimension collective et intrinsèquement une question politique : ces fêtes, auxquelles sont dédiées ces salles, sont les événements au cours desquels se fabrique le collectif, se nourrissent les liens, les échanges.

 

 

 

 

Baptiste Amann 

 


Acteur, auteur et metteur en scène, Baptiste Amann vit du théâtre depuis 2007. Né en 1986, à Avignon, mais extra muros, dans un quartier populaire bien loin des remparts, il n’a découvert le festival qu’une fois au lycée option théâtre. A cette époque, la ville est encore très clivée entre le centre historique, tout petit, (celui que l’on voit dans les médias lors du festival) et les unités d'habitation qui s’étendent bien au-delà. Les deux mondes s’ignorent complètement. Dans la famille où grandit Baptiste Amann, on ne va pas au théâtre. Il se découvre un goût pour la scène dans une Maison pour tous, où il fait des ateliers cirque et hip hop. Grâce à différents soutiens, il rejoint section théâtre d’un lycée du centre par dérogation. Les ateliers pratiques de l’option théâtre ont lieu à la Chartreuse de Villeneuve-Lez-Avignon, lieu dédié aux écritures contemporaines. C’est donc par le prisme des écritures contemporaines «à travers des textes assez déconstruits», qu’il découvre le théâtre. A l’inverse de la plupart des gens, Baptiste Amann n’a découvert les classiques qu’après. De 2004 à 2007, il étudie à l’ERACM, l’école régionale d’acteurs de Cannes Marseille. Il écrit le premier volet de sa trilogie Des territoires (Nous sifflerons la Marseillaise…) en 2013. La pièce reçoit le prix Bernard-Marie Koltès des lycéens, initié par le TNS, en 2017, date à laquelle elle est créée à Théâtre Ouvert. La trilogie complète, d’une durée de 7 heures, Des territoires, est créée au festival d’Avignon en 2021. En janvier 2022, lors du festival Odyssées en Yvelines, Baptiste Amann crée le monologue Jamais dormir, sa première pièce jeune public, conçue pour être jouée dans les écoles comme en salle et qui tournera hors les murs à Montreuil. Ses pièces éditées en tapuscrit à Théâtre Ouvert font leur entrée aux éditions Actes-Sud Papiers. Baptiste Amann est artiste associé au Théâtre public Montreuil

 

 

 

Un chemin vers la narration 



Le théâtre de Baptiste Amann est très écrit, la partition de chaque personnage est consignée au mot près bien avant les répétitions. Il n’y a pas d’improvisation, pas d’écriture collective. Il écrit des fictions inspirées par des acteurs, la plupart travaillent avec lui depuis plusieurs années. Pourtant, quand il a démarré sa pratique de jeune auteur, la fiction n’allait pas de soi. Au début des années 2000, au moment de sa formation, il y avait un antagonisme marqué entre les spectacles issus d’une écriture de plateau, souvent collective, et le théâtre de texte. Ce clivage, certes pas nouveau, a particulièrement émergé lors du Festival d’Avignon de 2005.Baptiste Amann et ses camarades de promo regardaient alors plutôt du côté d’artistes tels que par Philippe Quesnes ou Roméo Castellucci, deux metteurs en scène qui travaillent dans une forme de composition visuelle, par mise en relation d’actions et d’images. Il s’agissait alors de tenir la fiction à distance. L’heure était à la déconstruction dramaturgique, au théâtre post-dramatique. Quand il se remémore cette période, l’auteur se rappelle néanmoins que ses « vrais chocs secrets » provenaient de spectacles beaucoup plus classiques La Mort de Danton (Buchner) et La vie de Galilée (Brecht) dans les mises en scène Jean-François Sivadier ou du Platonov (Tchekhov) d’Eric Lacascade. 
Baptiste Amman a commencé avec l’IRMAR (Institut des Recherches Menant à Rien), une démarche plastique performative où la prise de parole sur un plateau s’avérait quasi impossible puisqu’il s’agissait d’une tentative d’échapper aux faux-semblants. Un des premiers projets portait sur Le discours sur rien de John Cage, où le compositeur et poète américain se présente comme n’ayant rien à dire sur rien et traite la parole comme pur matériau sonore et musical.

Quand Baptiste Amann découvre, en démarrant sa trilogie Des Territoires, qu’il aspire à raconter des histoires, il a dû retrouver le chemin du récit, ce qui n’allait pas de soi. « Nous n’étions pas portés par une foi dans l’aspect sacré du conte, pour acquérir foi dans le récit ça a été un processus, nous avions un rapport au récit plutôt empirique, nous avons fait le chemin inverse, nous sommes partis d’une pratique de déconstruction pour aller vers une pratique plus conventionnelle. » Le jeune auteur s’est trouvé pris dans des esthétiques contradictoires « ce que je fais n’est que la surface émergée d’un tout beaucoup plus complexe ». D’où, sans doute, cette forme narrative éclatée qui est la sienne.

 

 

 

APRES LE SPECTACLE

Thématique


Salle des fêtes est-elle une pièce sur les néo ruraux qui s’installent à la campagne ? Une pièce sur l’écologie, sur l’eau et le paysage ? ou encore un texte sur la maladie mentale ? Sur une communauté ? Sur le suicide ? Un texte sur l’écriture, sur l’impossibilité d’écrire ? sur la séparation ? Vous en trouverez sûrement d’autres en repensant au spectacle. Baptiste Amann refuse de limiter le sujet à une thématique c’est une pièce traversée par toutes ces thématiques, et d’autres, encore à travers les humains qui sont représentés. Il y a au moins autant de sujets que de personnages.

La salle des fêtes est, affirme Baptiste Amann, « cette unité de lieu qui me sert à faire apparaitre des êtres humains saisis par instant par les problématiques qui sont les leurs et qui vont apparaître au cours de ces quatre saisons, lors de moment de faillite. Ces moments m’intéressent car je considère que toute faillite contient un devenir révolutionnaire : le moment où les choses s’effondrent c’est aussi où l’avenir se prépare ». Des moments lors desquels on peut vite sombrer dans le ressentiment, le cynisme, la violence.  Or, ici, les personnages trouvent en eux la ressource pour rester dans une action qui ne compromet pas leur dignité ni celle des autres. « Il n’y a pas d’éclosion monstrueuse ». Le sujet central serait « comment de nos effondrements peut survenir une action — qui n’est plus une action d’espérance puisque l’espoir est parti — mais une action de vitalité, qui résiste aux pulsions de mort ».

Ainsi, à travers le couple formé par Marion et Suzanne mais aussi à travers celui du père et de sa fille, nous voyons comment se séparer de quelqu’un peut être aussi une façon de se structurer ; comment, face à l’impossibilité d’avoir des enfants, un couple peut se rechoisir ; ou encore, comment dans le désespoir, une amitié peut naître comme celle de Julien et Samuel… voyez-vous d’autres histoires possibles ?

 

 

 

Une écriture puzzle : aborder le sujer par le contour 


Comme les précédentes, cette nouvelle pièce de Baptiste Amann présente une écriture très dense. On ne suit pas une histoire mais quantité d’histoires. La narration digresse constamment et nous entraîne dans des paysages et des registres de langages différents. Il n’y a pas une histoire avec un déroulé réaliste, linéaire, qui présente un début, un milieu, une fin mais quantité d’histoires, une mosaïque de récits, une structure sous forme de puzzle à trou, de figure à géométrie variable. Il n’y a pas d’axe central, pas de fondement dramaturgique. Le texte alterne entre des dialogues du quotidien, des échappées lyriques, des monologues qui rendent compte d’une intériorité.

Baptiste Amann revendique une approche musicale du langage, il écrit une partition pour chaque interprète. On n’est pas tant dans le récit de ce départ des urbains vers campagne que dans une mise en abyme, une série d’histoires dans l’histoire. « C’est comme si on était dans le brouillon du roman que Marion est en train d’écrire. Ces échappées traduisent comme une sensation d’écriture, c’est-à-dire qu’elle assiste à une scène quotidienne et, tout à coup, il y a un élément qui déclenche son imaginaire. Mon écriture procède ainsi, je suis happé par un motif, je pars dans ma tête pour ensuite revenir au présent. »

Ainsi, par exemple, dans la scène de la traduction du créole : l’homme et la femme se retrouvent sur un canapé comme chez le psy alors qu’ils sont en train d’apporter ce canapé pour le loto tandis que, l’instant d’avant, Marion est arrivée en demandant si elle pouvait s’installer quelque part pour écrire… on peut ainsi imaginer qu’ils sont dans son roman. Souvenons-nous qu’après le prologue musical, la première à arriver c’est Marion, la romancière.

Mais ces articulations, Baptiste Amann veille à les garder très ténues. Il travaille beaucoup à la construction — avec Amélie Enon qui est aussi metteure en scène et qui a travaillé avec l’auteur sur la dramaturgie — mais ne veut pas que ce soit trop ficelé, « il faut que le spectateur puisse faire ses liens à lui, qu’il ne soit pas trop orienté ». L’auteur rejette toute dramaturgie manipulatrice et insiste sur le conditionnel. Il ne s’agit pas de dire c’est comme ça qu’il faut lire la pièce mais d’ouvrir des pistes, il ne s’agit pas de guider dans une lecture univoque, il n’y a pas de hiérarchie entre les scènes ni entre les personnages. Ce couple de jeunes femmes qui inaugure la pièce, on le perd un peu en cours de route pour le retrouver à la fin. Il y a à la fois la mise en doute de l’écriture et cette écriture qui doute d’elle-même. L’écriture offre d’ailleurs un terrain de confrontation entre Samuel et Marion, le frère la sœur, et un conflit avec Alexandra qui accuse Marion de lui voler son histoire. « C’est une écriture qui doute d’elle-même. J’aime bien que le medium ne soit pas tout puissant, affirme Baptiste Amann, qu’il se questionne lui-même sur ce qu’il est en train de produire ». Malgré la citation de La Cerisaie, Tchekhov n’est pas l’auteur de référence de Baptiste Amann qui lui préfère Jean Genêt, Bernard-Marie Koltès, Jean Giono ou, beaucoup moins connu, Georges Darien (auteur anarchiste français de la fin du XIXe siècle). « J’aime les écrivains du trop. Ce sont ces écritures qui ont impulsé mon envie d’écrire, un peu lyrique, un peu boursoufflées, très 19eme, même si j’ai conscience du trop-plein de mes textes ». Baptiste Amann confie une impossibilité de renoncer à la littérature. Comment concilier le temps intime de la littérature et le temps collectif du théâtre ? Il n’espère pas que le spectateur attrape tout du texte.

 

 

 

Les quatres saisons 

 


« Découvrir par le contour ton sujet est une phrase clé du spectacle, explique le dramaturge. Le sujet de la pièce je pense qu’on ne l’aura qu’une fois qu’on aura fini de jouer cette pièce et qu’elle sera pleine de toutes les interprétations de ceux qui l’auront vu, mais je ne peux pas partir d’un sujet ». La pièce avance sur plusieurs plans, elle est découpée sous forme de saisons et comporte des intermèdes assumés comme partie intégrante du spectacle où, tandis que les interprètes se livrent à l’enlèvement de ce qui a précédé et à la mise en place du décor suivant, et que surgissent des éclats de l’œuvre de Vivaldi réorchestré par le compositeur allemand contemporain Max Richter (the New four seasons) le texte avance sous forme de fragments poétiques, ou commentaires, dans le surtitrage. A travers la musique de Max Richter, le metteur en scène offre des moments d’onirisme qui lui rappelle le rapport du cinéma japonais à la nature, un rapport très direct de plénitude et de contemplation, que l’on trouve dans les films de Miyazaki par exemple.

 

Des personnages 



Les personnages portent le prénom des interprètes, est-ce que cela veut dire que les histoires qu’ils portent sont inspirés d’elles.eux ?

« Les acteurs et les actrices sont les personnages déjà existants de la pièce à qui je vais ensuite donner un rôle, on n’est pas à la recherche de fabriquer un personnage je leur écris une partition ». Ces partitions sont inspirées des acteur.ice.s à qui elles sont destinées. Certain.e.s de acteur.ice.s, en particulier Samuel Réhault, Alexandra Castellon et Yohann Pisiou, accompagnent l’auteur metteur en scène depuis des années. C’est en pensant à eux que Baptiste Amann écrit les rôles même si les histoires qu’il leur attribue sont des fictions. Dans le dernier volet de la trilogie, Des territoire (et tout sera pardonné ?), Alexandra Castellon interprétait, entre autre, l’avocat Jacques Vergès.

Chaque personnage est porteur d’une tragédie, d’une dimension métaphorique, de contradictions dans lesquelles il se débat. La pièce avance par série de portraits. Chacun prend à son tour le centre de la scène : le maire trop jeune qui aurait préféré faire du théâtre ; l’agriculteur submergé par les difficultés liées à son exploitation agricole ; la femme qui ne peut plus écrire ; l’homme alcoolique en deuil de sa femme ; la jeune fille qui tente d’échapper au contrôle de son père ; la femme et son compagnon mutique qui ne peuvent pas avoir d’enfant. Pour chacun d’entre eux« il y a une nécessité de cette parole qui sort tout à coup ».  Le passage sur La Cerisaie vient ainsi de l’acteur qui la raconte. Rémi Mesnard, jeune acteur tout juste sorti de l’ERACM (tout comme Suzanne Jeanjean et Lisa Kramarz), où Baptiste Amann est intervenu comme enseignant après y avoir été élève comédien, a un jour raconté la pièce de Tchekhov à Baptiste Amann à peu près de la façon dont il le fait dans la pièce, ça lui a beaucoup plu et il a imaginé ce rôle de maire qui aurait préféré faire du théâtre et cette scène de répétition des vœux du maire qui dérive en théâtre dans le théâtre. Par ailleurs, la dernière pièce de Tchekhov fait complètement écho à certaines questions soulevées par le texte de Baptiste Amann, notamment à la question de l’effondrement, mais aussi dans le rapport à la nature, au paysage, à la campagne, aux rêves déçus et à l’utopie. « Il raconte la Cerisaie mais derrière c’est un peu la Mouette », dit Baptiste Amann. Comme dans la Cerisaie, la pièce démarre par une arrivée et se termine par un départ. 


 

Un niveau réaliste et une dimension plus métaphorique


 
« Etre séparé de force de l’être aimé, c’est comme être séparé de sa patrie", analyse Tatiana Spivakova. Darwich a une manière de parler de sa terre natale comme il décrirait le corps de la femme aimé. La géographie du corps me parle. Ça m’a semblé juste de tisser ces dimensions-là, au fur et mesure, à force de lui lire ces poèmes, la femme voit l’homme aimé à travers la figure du poète, il est comme cette âme errante qui cherche sa patrie. J’ai cherché à mettre en parallèle l’exil de l’esprit arraché au corps et l’exil du corps arraché à sa patrie. Au même titre que l’être aimé dans le coma cherche à regagner son corps, le poète tente de revenir chez lui. Ce chez lui, pour le poète, est à l’intérieur du vers parfait qu’il cherche à écrire mais aussi en Palestine. Ce chez lui n’existe plus, puisque son village a été effacé de la carte, il ne reste que la poésie. Ainsi quand les médecins lisent un scanner du cerveau, ils voient que certaines zones ne fonctionneront. L’esprit devra emprunter d’autres chemins comme un peuple essaye de revenir chez lui en créant de nouvelles routes ». Ce parallèle singulier lui a été inspiré par des faits réels observés à l’hôpital où l’autrice a passé plusieurs mois.

 

Mise en abîme de la question de l'utopie 


 
 Pour le metteur en scène Baptiste Amann, ce désir de pouvoir présenter le spectacle partout recoupe aussi, dans sa dimension utopique, ce désir du couple, dans la fiction, de racheter une ancienne usine et de s’installer à la campagne pour changer de vie. La pièce aborde la notion d’utopie sous l’aPour le metteur en scène Baptiste Amann, ce désir de pouvoir présenter le spectacle partout recoupe aussi, dans sa dimension utopique, ce désir du couple, dans la fiction, de racheter une ancienne usine et de s’installer à la campagne pour changer de vie. La pièce aborde la notion d’utopie sous l’aPour le metteur en scène Baptiste Amann, ce désir de pouvoir présenter le spectacle partout recoupe aussi, dans sa dimension utopique, ce désir du couple, dans la fiction, de racheter une ancienne usine et de s’installer à la campagne pour changer de vie. La pièce aborde la notion d’utopie sous l’angle des espérances déçues, de ce qui s’effondre, et montre comment le réel renvoie une autre réalité que celle que l’on avait projetée. Une réalité implacable à laquelle il va falloir s’adapter. Mais ce n’est pas pessimiste pour autant. Baptiste Amann cherche moins à souligner la dimension d’échec que celle de la tentative. « Cela montre aussi le côté faillible, on ne sait pas si ça va marcher, on ne sait pas si les gens seront intéressés… Quand nous avons commencé le projet Des territoires on n’avait aucun théâtre partenaire. Mais quand on est porteur d’un désir fort et habité par ça, on peut entraîner avec soi le désir des autres. Le théâtre m’a appris à me relier aux autres. Le spectacle est un objet qui n’est plus tout à fait le mien, pas tout à fait celui des acteurs non plus, il devient une sorte de bien commun sur lequel nous nous sommes tous mis d’accord pour le défendre ». Cette dimension collective de la pratique du théâtre revêt une grande importance pour le metteur en scène, dès l’écriture. « J’écris pour des personnes bien précises, que j’ai choisi avant de commencer », dit-il.
 

Forte présence du hors scène 


 
La salle des fêtes est un espace de l’avant ou de l’après, comme si le texte se tenait dans l’antichambre des événements. Ainsi, on est tout le temps dans la mise ou dans la démise de situations mais jamais dans les situations elles-mêmes. On assiste à la répétition du discours des vœux et non aux vœux, à l’organisation du loto, ce moment où chacun apporte des lots et non au loto lui-même, à la fin de la fête… La cérémonie des vœux et le loto ont-ils finalement lieu ? on ne sait pas. La salle des fêtes est un lieu de passage, de transformation des personnages par la prise de parole publique.


 

Une pièce politique ? La communauté en question 


 
Les précédentes pièces abordaient la dimension politique par la grande histoire, la Révolution de 1789, la guerre d’Algérie… Salle des fêtes n’est pas moins politique mais elle l’aborde de manière plus transversale, elle cueille le politique à sa racine, c’est-à-dire par la communauté. Le titre de Salle des fêtes suppose d’entrée de jeu une communauté. La première scène qui implique tous les personnages, après les deux tableaux introductifs, c’est celle du conseil citoyen où le maire accueille Suzanne et à Marion, nouvelles venues au village, et évoque son attachement à une forme de démocratie participative.

Ce qui est débattu lors de ce conseil citoyen c’est précisément la question du bien public, en l’occurrence l’eau, face aux intérêts privés détenteurs des ouvrages hydrauliques. Suzanne et Marion découvrent qu’en rachetant les anciennes usines de la Pointerie et son moulin, elles se retrouvent propriétaires d’un ouvrage hydraulique dont l’usage a une incidence sur le paysage et sur la collectivité. Le conseil citoyen doit ainsi traiter d’une urgence : les inondations causées par les pluies diluviennes récentes et le fait que personne n’a ouvert les vannes en temps et en heure puisque la propriété était inoccupée. Elles en découvrent également les conséquences : les dommages causés à l’exploitation de Julien et la nécessité pour elles d’entreprendre des travaux pour renforcer les ouvrages hydrauliques en mauvaise état. Ainsi les économies destinées à financer les travaux de la cuisine iront finalement à cette réfection des ouvrages, là encore intérêt privé contre intérêt commun. Suzanne et Marion se retrouvent malgré elles prisent dans des enjeux collectifs mais découvrent aussi la solidarité qui se manifeste à leur encontre, chacun veut aider aux travaux. Suzanne est enthousiaste, on la voit aussitôt prête à endosser la charge, Marion beaucoup moins.

Cette histoire est inspirée de faits réels, la Pointerie existe quelque part en Bourgogne, Baptiste Amann a assisté au projet des artistes et artisans qui s’y sont installés et qui ont été confrontés à ces questions hydrauliques. L’auteur a pu observer les effets très concrets d’une démocratie directe : chaque vote a ainsi des conséquences locales immédiatement perceptibles. Comme Marion, l’auteur puise la matière de ses textes dans la réalité proche de lui.
Il y a aussi l’aménagement du parc et la question de la protection de l’environnement qui soulève des débats entre écologistes et agriculteurs par exemple. 

Et plus loin le passage où Lisa vêtue en Marianne, comme pour le spectacle de l’école, relate les violences policières dont elle a été victime.
On est face à une micro société et on assiste aux différents enjeux qui se posent à une collectivité en territoire rural

 

 


 

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